État des lieux des moyens de diagnostic

De l’endométriose

Les médias et réseaux sociaux ont largement relayé, en février-mars 2022, l’annonce de la start-up lyonnaise Ziwig de la mise au point d’un test salivaire qui permettrait de diagnostiquer l’endométriose. D’autres laboratoires essaient de détecter des marqueurs fiables utilisables en diagnostic, mais des questions subsistent à l’heure de l’écriture de cet article… Nous souhaitions revenir sur ces avancées révolutionnaires qui donnent de l’espoir dans la compréhension et le diagnostic de cette maladie afin de réduire l’errance médicale. Il est en effet encore bien trop long à poser avec en moyenne 7 à 10 ans entre les premiers symptômes et l’annonce du diagnostic. Ce délai est lié à la complexité de l’endométriose, qui peut présenter différentes formes et à la compréhension de la maladie, son étiologie, son développement… même si les recherches avancent rapidement.

Il est important de sensibiliser autour de cette pathologie fréquente (1 femme sur 10) et d’augmenter le niveau de suspicion devant des douleurs pelviennes chroniques, résistantes aux antalgiques et impactant le quotidien de la jeune fille ou de la femme.

Il n’existe pas à l’heure actuelle de test de diagnostic anticipé, de test de dépistage dans la population.

Cependant, il est important de rappeler qu’il n’y a pas de lien entre intensité des douleurs et sévérité des lésions et nodules endométriosiques. La question se pose donc d’un diagnostic généralisé des formes d’endométrioses-adénomyoses qui ne génèrent pas de douleurs et asymptomatiques, qui pourrait être une source de stress pour la personne à qui il est annoncé. Cependant ce type de diagnostic aurait un réel intérêt dans la recherche de causes d’infertilité/hypofertilité et pour réduire le délai de diagnostic de femmes en attente de réponses à leurs symptômes.

Quelles méthodes de diagnostic sont aujourd’hui disponibles ? Où en sont les recherches pour des tests de diagnostic anticipés ?

Les moyens de diagnostic actuellement disponibles

En 2022, c’est en premier lieu la caractérisation des symptômes évocateurs dont souffre la personne, leur intensité et leur chronicité lors de l’anamnèse médicale qui pourra orienter vers un examen clinique gynécologique pelvien. Si celui-ci est possible, et avec l’accord de la patiente, il pourra consister en un toucher vaginal et/ou rectal, une observation du vagin et du col de l’utérus après la pose d’un spéculum.

Une échographie pelvienne, une IRM pelvienne puis des examens de 2ème intention (exploration abdomino-pelvienne, coelioscopie, avec éventuellement une biopsie) pourront ensuite être proposés. Les professionnels de santé suivent un arbre décisionnel mis au point dans les directives de la HAS et pourront orienter vers des experts si nécessaire.

Comment réduire les délais de diagnostic ? Où en est la recherche actuellement ?

Des avancées technologiques prometteuses sont basées sur la recherche de biomarqueurs c’est-à-dire des marqueurs biologiques au sens défini par la FDA et le NIH : ”caractéristique[s] définie[s] qui est [sont] mesurée[s] comme [des] indicateur[s] des processus biologiques normaux, des processus pathogènes ou des réactions à une exposition ou une intervention, y compris les interventions thérapeutiques “. Aujourd’hui, parmi les marqueurs d’intérêts se trouvent des microARN et des populations cellulaires spécifiques.

Les tests de diagnostic en développement basés sur les microARN

Comment fonctionnent ces tests ?

Parmi les biomarqueurs potentiels de l’endométriose, il y a des microARN spécifiques qu’il serait possible de détecter à partir d’une simple prélèvement salivaire suivi par un séquençage en laboratoire (test français de la start-up Ziwig appelé EndoTest) ou prélèvement sanguin (test de l’entreprise américaine DotLab). Aujourd’hui il est possible de doser certains marqueurs sanguins d’inflammation souvent dérégulés dans le cadre de l’endométriose mais non spécifiques à la pathologie (parmi eux CA-125, IL-8, IL-6, CA125, TNF-α, protéine C réactive ultra-sensible, et CA19-9)

Les chercheurs ont pu identifier (via des analyses appelées micro-arrays utilisant l’intelligence artificielle et le séquençage haut-débit des acides nucléiques ADN-ARN) des miARN particuliers produits par les cellules endométriales, à partir d’échantillons sanguins ou salivaires. Ils ont notamment mis en évidence les miARN circulants let-7 et les membres de la famille miR-135. Ils ont observé une différence d’expression de certains de ces miARN entre des femmes souffrant d’endométriose et celles souffrant d’inflammations pelviennes diverses non liées à l’endométriose. D’autres études doivent être menées pour vérifier que ces différences ne sont pas liées à des facteurs confondants, tels que des variations d’origine ethnique, à l’âge, aux effets d’un traitement et qu’elles sont aussi présentes chez des femmes souffrant d’autres formes d’endométriose n’ayant pas nécessité une chirurgie. Les études mentionnées ici avaient choisi des cohortes de femmes allant subir une laparotomie ou laparoscopie et présentant des symptômes d’endométriose, infertilité, douleurs pelviennes ou masses/kystes pelviens.

Ces recherches académiques permettent d’envisager deux nouvelles opportunités :

  • Identifier les miARN qui pourraient servir de biomarqueurs de diagnostic fiables(càd que leur présence atteste de l’endométriose peut importe sa forme d’expression et le moment de son apparition : puberté, âge plus avancé…)
  • Développer une thérapie ARN de l’endométriose. L’étude de Sayin et al. (2018) a démontré que l’injection de copies d’un microARN (Let-7b) pouvait limiter l’extension des lésions endométriosiques dans l’organisme). On est encore loin cependant de la mise au point d’une stratégie thérapeutique, ce développement est complexe car il n’y a pas « un gène unique de l’endométriose » : comment cibler le miRNA à injecter pour corriger l’expression d’un ou plusieurs gènes dérégulés dans l’endométriose ?

Historiques des études de laboratoires académiques sur les microARN et endométriose

2010 : Teague et al. The role of microRNAs in endometriosis and associated reproductive conditions, Hum Reprod Update 16(2):142-65.

2015 : Cho et al. Circulating microRNAs as potential biomarkers for endometriosis. Fertil Steril. 2015;103(5):1252-60.e1.

2016 : Cosar et al. Serum microRNAs as diagnostic markers of endometriosis: a comprehensive array-based analysis. Fertility and sterility journal. 106, issue 2.

2018: Sayin, Taylor et al., microRNA Let‐7b: A Novel treatment for endometriosis

2020: Mustafa et al., Accurate diagnosis of endometriosis using serum microRNAs. Original research gynecology. vol 223, Issue 4

2022: Ziwig, étude clinique sur le test salivaire Endotest développé

Où en est-on dans le développement de ces tests ?

Le test développé par la société Dotlab se base sur un prélèvement sanguin et est actuellement en essai clinique. Une cohorte de 750 femmes entre 18 et 49 ans (hors femmes enceintes et sans antécédent de chirurgie) allant subir une laparotomie pour des signes et symptômes d’endométriose suspectée sont incluses dans l’étude. La fin de l’étude et de son analyse est estimée à septembre 2024. Voir les détails de cette étude clinique : https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT04598698, The EMPOWER Study: Endometriosis Diagnosis Using microRNA (EMPOWER).

Le test Ziwig Endotest est, lui, assez avancé puisqu’il est prêt et bénéficie d’un marquage CE et aurait une sensibilité de 96%. Il se base sur l’analyse de 109 microARN à partir d’un prélèvement salivaire qui pourraient être utilisés comme signature de l’endométriose. Sa mise à disposition fait encore l’objet d’une concertation avec les autorités de santé françaises et les chercheurs, en vue de son inscription dans le parcours de soin et de son éventuel remboursement par l’Assurance Maladie. Bien que les résultats soient très prometteurs, certains points noirs restent en effet à éclaircir et il est pour le moment encore trop tôt pour parler d’application directe pour les endogirls.

Quel sera le coût d’un tel test ? Le séquençage haut débit de ces microARN est une technologie qui reste encore assez onéreuse pour une utilisation en test de routine en laboratoire. A nuancer bien sûr si la production se fait à grande échelle et à mettre en lien avec les coûts actuels de l’imagerie IRM par exemple.

Le test pourra-t-il être utilisé comme marqueur précoce de diagnostic par exemple ou discriminant d’autres maladies inflammatoires ? Si la sensibilité a été déterminée, la spécificité reste quant à elle encore en question*.

Avant de pouvoir considérer un test de dépistage basé sur ces critères, d’autres études complémentaires seront nécessaires pour combler les limites et lacune de cette première étude :

 

  • Les validations externes, essai en double aveugle et essai randomisé contrôlé sont en effet encore absents.
  • Le test a été validé chez les mêmes patientes à partir desquelles les 109 microARNs avaient été définis. Il y a donc un risque que ce test ne fonctionne que dans ce contexte et pas chez de nouvelles femmes souffrant d’endométriose, et avec des formes moins « sévères ».
  • Trop petit nombre de femmes incluses avec des caractéristiques cliniques trop restreintes : 153 patientes avec un diagnostic et présentant une endométriose évolutive et « sévère ». L’endométriose comme nous l’avons précisé en introduction est une maladie hétérogène : les symptômes, le degré de sévérité, le seuil de douleur varient fortement d’une patiente à l’autre et l’installation de la pathologie est progressive plus ou moins rapidement. Les femmes présentant une endométriose « moins sévère » ou en tout début d’évolution de la maladie (les adolescentes notamment) pourront-elles être diagnostiquées par le test ?
  • Seules 47 personnes contrôles ont été incluses notamment pas de femmes souffrant d’autres maladies inflammatoires (par exemple Crohn) qui pourraient fausser l’étude.

Vous pouvez aussi écouter l’interview de Daniel Vamain,

Directeur de Recherches Inserm et responsable de l’équipe Génomique, épi génétique et physiopathologie de la reproduction à l’Institut Cochin de Paris, membre du Comité Scientifique d’ @endofrance et du Comité Scientifique de la FRE, donné sur France Culture le 14 février 2022.

*NB sur la sensibilité et spécificité d’un test de diagnostic

Ils expriment la capacité d’un test à catégoriser les patients (négatifs ou positifs pour la maladie considérée). La sensibilité est la probabilité d’un résultat positif chez les sujets porteurs de la maladie (« vrais positifs »). La spécificité est la probabilité d’un résultat négatif de test chez des patients non malades (« vrais négatifs »)

Vers d’autres tests de diagnostic

  • Test basé sur la recherche de marqueurs cellulaires ?

Une équipe de chercheurs du Centre de Génomique et génétique Humaine du Feinstein Institutes for Medical Research aux USA a travaillé sur la recherche de marqueurs cellulaires présents dans le sang menstruel. Ils ont réalisé une analyse appelée single-celle RNA-sequencing (scRNA-Seq) et ont découvert l’absence d’un groupe de cellules utérines prolifératives natural killer (uNK) chez les femmes souffrant d’endométriose. Cette étude suggère que le sang menstruel pourrait servir à l’élaboration d’un test non invasif de diagnostic.

Référence de l’étude :

Shih et al. 2022. Single-cell analysis of menstrual endometrial tissues defines phenotypes associated with endometriosis. BMC medicine.

  • Test basé sur la recherche de marqueurs microbiens ?

L’équipe du Dr Perrota a analysé les microbiomes d’écouvillons rectaux et vaginaux de femmes menstruées atteintes ou non d’endométriose à différents moments du cycle menstruel. Le genre bactérien Anaerococcus a été retrouvé en abondance dans les menstruations des femmes atteintes d’une forme sévère de la maladie par rapport à celles touchées par des formes moins avancées. Ils ont développé une méthode d’apprentissage automatique (machine-learning method en anglais) de la composition du microbiote au cours des phases du cycle féminin pour permettre de prédire des déséquilibres marqueurs de stades avancés de l’endométriose (anciennement appelés stades 3 et 4).

La recherche avance en effet dans la caractérisation et la compréhension de l’évolution des microbiotes vaginaux et endométriaux. Elle est supportée par le boom technologique des méthodes de séquençages et d’analyses haut-débit des génomes, protéomes, métabolomes microbiens. Un immense champ d’exploration est ouvert, et nous n’en sommes qu’au début de la caractérisation des génomes microbiens, de l’analyse des populations présentes. Des études à plus grande échelle sont nécessaires pour pouvoir déterminer des biomarqueurs robustes, standards solides utilisables en clinique en diagnostique pour les praticiens.

Il serait possible d’envisager aussi d’autres tests à partir par exemple de l’étude du microbiote intestinal cette fois. Nous vous avions en effet parlé dans un précédent article d’une sous-population bactérienne intestinale (exprimant des gènes permettant la détoxification des œstrogènes, l’ensemble de ces gènes étant appelé estrobolome). Cette sous-population est en effet dérégulée chez les femmes souffrant d’endométriose.

Référence de l’étude :

Perrotta et al.  2020, The Vaginal Microbiome as a Tool to Predict rASRM Stage of Disease in Endometriosis: a Pilot Study. Reprod Sci.

Conclusion

Tous ces travaux et découvertes récentes ouvrent donc de nouvelles perspectives de recherche pour le dépistage de l’endométriose à grande échelle. Néanmoins, des études contrôles et des études cliniques à plus grande échelle, incluant un plus grand panel de femmes à différents stades de la maladie, avec des formes asymptomatiques mais aussi des groupes contrôles différentiels sont nécessaires pour obtenir des données supplémentaires et pouvoir disposer d’un test sur le marché sensible et fiable. Les recherches avancent rapidement, il y a de l’espoir mais rien de réellement fiable n’est disponible en 2022 sur le marché pour pouvoir être utilisé en clinique comme outil diagnostic.

 

Nous souhaitions rappeler qu’une écoute attentive des femmes consultant pour une suspicion d’endométriose est actuellement un moyen d’orienter vers un diagnostic plus rapidement. Les professionnels de santé intéressés doivent actuellement se former par eux-mêmes

End’Opk and Co remercie Nathalie Faggianelli pour la rédaction de cet article

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