Akkermansia muciniphila,
Une bactérie importante et en déficit chez les personnes souffrant d’insulino-résistance, diabète et SOPK !
Nous hébergeons tous dans notre corps des microbiotes dont une grande partie dans le système digestif. Ils représentent un ensemble complexe et coordonné de micro-organismes (bactéries mais aussi virus, archées, levures et protozoaires) en étroite relation avec tous nos systèmes. Ils jouent un rôle important dans la régulation du métabolisme et des voies de l’inflammation et de l’immunité. Une perturbation dans leur bon équilibre peut mener à une dysbiose. Celle-ci n’est pas uniquement due à une prolifération de potentiels pathogènes, mais peut être le résultat d’une perte de fonctions importantes et d’une diminution de la diversité des espèces hébergées. Les conséquences sont nombreuses sur le plan métabolique, digestif, immunitaire, endocrinien. De nombreuses pathologies et dysfonctions ont ainsi UNE cause possible identifiée d’un déséquilibre des microbiotes. Les dysbioses interviennent notamment dans l’émergence du syndrome métabolique, des troubles digestifs chroniques, l’endométriose-adénomyose, l’insulino-résistance et le diabète de type 2, le SOPK…
Parmi les micro-organismes étudiés, une bactérie a attiré l’intérêt des chercheurs depuis sa découverte : Akkermansia muciniphila. Une bactérie non motile, gram-négative, anaérobie tolérant seulement de faibles quantités d’oxygène (Brodmann et al. 2017). C’est une bactérie « commensale » assez abondante dans l’écosystème microbien intestinal d’un individu sain, présente entre 1 et 5% de la population bactérienne intestinale totale. Elle a été retrouvée dès les premiers jours de colonisation de l’intestin chez le bébé et est notamment présente dans le lait maternel (Collado et al. 2007). Cependant elle se raréfie chez des personnes présentant des troubles métaboliques et digestifs. Sa concentration a été montrée inversement proportionnelle à la sévérité de l’appendicite et syndrome de l’intestin irritable (Swidsinski et al. 2011).
Quels sont ses rôles précis ? pourquoi est-elle intéressante pour une problématique de SOPK ? Un atout thérapeutique d’avenir ?
Akkermansia muciniphila et maintien d’une bonne intégrité de la muqueuse intestinale
Historique de sa découverte
Sur les muqueuses, et notamment celle intestinale, la fonction de barrière protectrice et sélective est permise par la présence d’une couche de mucus recouvrant les cellules épithéliales (càd les cellules de la barrière). Cette couche de mucus est formée par des molécules très hydrophiles et des micro-organismes, principalement bactériens. Ces derniers permettent une bonne intégrité de la barrière, accrochant solidement le mucus, permettant son bon renouvellement régulier et interagissant avec le système immunitaire niché dans la barrière.
Parmi les bactéries permettant de dégrader et renouveler le mucus, un phylum bactérien nouveau a été identifié les Verrucomicrobiota et avec pour seul représentant connu à l’heure actuelle : Akkermansia muciniphila. Environ une centaine de souches ont été découverte dont celle originelle MucT = ATCC BAA-835 1/4 CIP107961T, isolée en 2004 par le docteur Muriel Derrien (laboratoire Pr de Vos, Université de Wageningen, Pays-Bas) à partir de matières fécales humaines.

Les recherches et découvertes sur ces propriétés ont été menées par deux équipes conjointement, celle du Professeur Patrice Cani de la clinique universitaire Saint Luc de Bruxelles et celle du Professeur Willem de Vos de l’université de Wageningen.
Elle produit une enzyme dégradant les mucines d’où son nom de muciniphila. Ce substrat est utilisé pour produire de l’azote et une source de carbone nécessaire à la synthèse d’Acides Gras à Chaine Courte (= AGCC) : le propionate et un peu de butyrate, deux molécules anti-inflammatoires importantes dans l’écosystème intestinal (Ottman et al. 2016 et 2017).
Akkermansia muciniphila une bactérie gram négative non pathogène
Cette capacité à dégrader les mucines du mucus intestinal pourrait laisser penser que son rôle est plutôt délétère pour la barrière intestinale. Akkermansia muciniphila fait aussi partie des bactéries gram négatives, comprenant donc les molécules lipopolysaccharides LPS sur sa membrane externe. Il a déjà été montré que ces motifs bactériens se comportent comme des endotoxines, capables de passer la barrière intestinale et libérées en circulation sanguine et se comportent comme des facteurs immunogènes. Cependant tous les LPS ne sont pas identiques selon leur composition. Le LPS d’Akkermansia muciniphila n’est pas immunogène, il active des récepteurs tol-like 2 (TLR2) et a une action anti-inflammatoire (Shi et al. 2022). Sa capacité a dégradé le mucus est aussi un mécanisme utile pour permettre un bon renouvellement constant. La synthèse d’AGCC permise par la dégradation de mucine permettent en retour l’activation de facteurs clés dans la voie de maturation des cellules caliciforme (aussi appelées cellules « en gobelet ») productrices de mucus (Kim et al. 2021).
Akkermansia spp et son rôle dans la métabolisation de nos hormones
Akkermansia spp produit les enzymes beta-glucoronidases responsables de la métabolisation secondaire des dérivés oestroégniques inactivés dans le foie (glucuronides) mais aussi d’autres hormones. Elle fait partie de la sous-population intestinale nommée « estrobolome », plus justement renommée aujourd’hui « endobolome ». Voir notre article sur le sujet.
Un autre point intéressant découvert récemment réside dans la capacité d’Akkermansia spp à protéger la barrière intestinale des dommages causés par la consommation d’agents émulsifiants. Il a été montré que la consommation d’agents émulsifiants, d’additifs, d’édulcorants, de colorants, d’aliments ultra-transformés ou encore de compléments alimentaires contribuent à l’altération du microbiote intestinal. Cette modification de la flore intestinale va alors conduire in fine à une inflammation intestinale chronique et à des dérégulations à plusieurs niveaux (métaboliques, endocriniennes, immunitaires, etc.). Or, Benoit Chassaing et son équipe ont démontré les effets protecteurs d’ A. muciniphila contre les effets néfastes des additifs alimentaires.
La première étude sur Akkermansia m. montrait que sa capacité à dégrader le mucus la rendrait responsable de la perméabilité intestinale observé chez les sujets diabétiques de l’étude. Or chez la souris, d’autres études ont démontré en parallèle qu’au contraire l’introduction d’Akkermansia était bénéfique sur la barrière intestinale et l’inflammation chez des souris obèses et diabétiques. Il s’est avéré qu’il y avait également un biais dans la première étude : les sujets étaient aussi soumis à un traitement à la metformine qui sur-stimule la croissance d’Akkermansia.
Perte d’Akkermansia muciniphila et lien avec les troubles métaboliques et insulino-résistance et SOPK
Depuis sa découverte en 2004, les recherches se sont multipliés dans différents laboratoires et ont permis d’accumuler des preuves solides d’un effet positif sur le syndrome métabolique.
Akkermansia spp produit aussi de la vitamine B12 utilisée localement pour produire les Acides Gras à Chaine Courte. Cette production est nécessaire pour le bon renouvellement du mucus intestinal mais aussi pour activer l’expression de gènes associés au métabolisme lipidique (Kim et al. 2021). Le propionate produit par Akkermensia stimule la libération du peptide YY et du Glucagon-like peptide 1 (GLP1) pour permettre de réduire la prise de poids.
L’abondance d’Akkermansia spp est notable chez des individus en bonne santé, non diabétique et présentant un IMC normal. Mais elle chute drastiquement chez les personnes obèses, présentant un diabète, une inflammation intestinale et notamment si souffrant de MICI, en cas de maladie hépatique, mais aussi en cas de consommation chronique d’alcool et de NASH. Le SOPK, syndrome des ovaires polykystiques est très souvent lié à une insulino-résistance associée ou non un surpoids ou obésité. Il a donc aussi été montré une raréfaction d’A. muciniphila chez les personnes souffrant de ce syndrome (ŁAGOWSKA et al. 2022, publications 1 et 2)
Vers un test de biologie fonctionnelle comme indicateur de bonne santé métabolique ?
Le dosage précis de cette substance à l’aide d’analyses de biologie fonctionnelle peut être un bon indicateur de la santé de la barrière intestinale, du métabolisme du glucose et des lipides, de la capacité des adipocytes à se régénérer (Dao et al., 2016).
En effet, sa quantité est inversement liée aux facteurs de risque cardio-métaboliques, à la résistance à l’insuline, à l’augmentation du taux de lipides dans le sang et à l’obésité chez l’homme et chez les souris utilisées comme modèles animaux.

Comment favoriser un microbiote riche en Akkermansia ?
Une alimentation riche en prébiotique est bénéfique pour A. muciniphila (Anhe et al. 2016 ; Perez-Monter et al. 2022), notamment l’inuline (que l’on retrouve dans la chicorée, les poireaux) et les proanthocyanidines ou PACS (tanins condensés, polyphénols de la cranberry, raisin, grenade)
Un régime type « western diet », riche en plats industriels, céréales raffinées et graisses hydrogénées et transformées [1] a été montré comme le principal lien avec une baisse significative d’A. muciniphila (mais aussi de Bifidobacteriu. longum, et F. prausnitzii). L’indice QUICKI, marqueur d’insulino-résistance a aussi été utilisé comme marqueur dans les études.
"western diet"
[1] Dans l’étude en question nommé “non healthy Index 14 (nHDI-14)”, elle se base sur la fréquence de consommation de 14 groupes de produits: pain blanc, céréales raffinées, fast food, aliments frits, beurre, lard, fromages transformés industriels, plats transformés, plats à base de viande rouge, bonbons et patisseries, soda et boisson énergétiques, alcools ; Indice Jeżewska-Zychowicz et al. 2017
Intérêt d’un probiotique ou post-biotique Akkermansia muciniphila ?
On pensait que les effets bénéfiques de micro-organismes utilisés comme dispositifs médicaux ou compléments alimentaires disparaîtraient lorsque les bactéries étaient sujettes à des traitements thermiques tels que l’autoclavage ou la pasteurisation. Cependant, plusieurs études ont démontré que les bactéries probiotiques inactivées par pasteurisation peuvent conserver une grande partie de leurs effets bénéfiques (Junkero et al., 2005 ; Plonier et Cani, 2017). Cela a été démontré en particulier pour la bactérie Akkermansia muciniphila. Dans une récente étude clinique menée sur 32 volontaires atteints de surpoids, d’obésité ou d’insulino-résistance, la forme pasteurisée de cette bactérie s’est même révélée plus efficace que la forme probiotique pour réduire le syndrome métabolique (Depommier et al., 2019 ; étude Microbes4U).

Contre-indications, effets secondaires de post-biotique à base d’Akkermansia muciniphila ?
La sécurité d’A. muciniphila en tant que postbiotique (préparation de bactéries pasteurisées) a été évaluée favorablement vis-à-vis des risques éventuels d’allergénicité et d’acquisition de caractères AMR (Résistance antimicrobienne) par l’EFSA.
Cependant, il est impossible de conclure à l’absence totale de risques d’une supplémentation par Akkermansia muciniphila MucT sous forme de prébiotiques (non possible à l’heure actuelle) ou post biotiques. Il a en effet aussi été montré qu’une quantité excessive d’A. muciniphila était observée chez des personnes souffrant de la maladie de Parkinson (Neto et al. 2022) ou d’un eczéma infantile en étant associé à une hyperperméabilité intestinale. Cela nous rappelle qu’aucun micro-organisme n’est uniquement bénéfique ou pathogène. Il vit dans un écosystème et entretient des relations avec les autres micro-organismes dans des conditions spécifiques. Il est important de garder en tête que tout est toujours une question d’équilibre à préserver : un excès dans un sens ou dans l’autre peut être responsable de déséquilibres !
Conclusion
Akkermansia muciniphila est une bactérie qui a été récemment mise en avant pour son rôle clé dans l’écosystème intestinal et son lien avec la régulation du poids et de l’insulinémie. C’est également le premier postbiotique disponible sur le marché pour aider à la perte de poids et à son maintien. Toutefois, il est important de se rappeler que suivre une alimentation saine, faire suffisamment d’exercice, et éviter les substances qui perturbent l’équilibre des microbiotes sont des mesures prioritaires à prendre. En effet, ces actions sont le premier levier pour favoriser l’équilibre du microbiote, bénéfique pour Akkermansia muciniphila !
Il n’y a pas de probiotique ou postbiotique qui soit magique à lui seul !
Nous avons encore une connaissance limitée de leur mode d’action. Il est également important de faire attention à l’écart entre les conclusions des études sur une souche spécifique et ce qui est réellement disponible sur le marché des compléments alimentaires ou des dispositifs médicaux (comme les souches et la formulation du produit).
Sources
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End’Opk and Co remercie Nathalie Faggianelli pour la rédaction de l’article

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